Le CV anonyme fait aujourd’hui l’objet d’une expérimentation nationale lancée par le gouvernement, trois ans et demi après le vote de la loi sensée généraliser et rendre obligatoire cet outil contre la discrimination à l’embauche. Cette expérimentation, non contraignante pour les entreprises, fera l’objet d’un suivi par Pôle Emploi, qui publiera un bilan d’ici fin avril 2010.
Adopté le 2 avril 2006, ce dispositif issu de la loi sur l’égalité des chances est obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés. Seulement, il n’a jamais été réellement utilisé en raison de l’absence des décrets d’application. Les pratiques discriminantes ont donc continué. C’est ce qu’a rapporté le Bureau international du travail en 2007, en constatant que « près de quatre fois sur cinq », un employeur préfère embaucher un candidat d’origine hexagonale ancienne plutôt qu’un autre d’origine maghrébine ou noire africaine.
Afin de remédier à cette situation, le Commissaire à la Diversité, Yazid Sabeg souhaite aujourd’hui relancer l’idée du CV anonyme. A ce jour, près d’une cinquantaine d’entreprise ont répondu à l’appel. Parmi elles, les traditionnels grands groupes que sont Axa, Accor, BNP Paribas, Casino ou encore Sanofi-Aventis et une petite quinzaine de cabinets de recrutement. Lors de l’expérimentation, les mentions du CV anonymisées seront les noms et prénom, l’adresse, y compris électronique, le sexe, l’âge ou la date de naissance, le lieu de naissance, la nationalité, la situation de famille et la photo s’il y en a une.
CV anonyme : pour ou contre ?
Comme tous les dispositifs, le CV anonyme a ses défenseurs et ses détracteurs. Ses défenseurs arguent que le CV anonyme est une solution efficace pour neutraliser les principaux facteurs de discrimination, qu’il est peu coûteux techniquement à mettre en place, et qu’il offre plus de chances aux candidats lors du recrutement.
En effet, les candidats ont la possibilité de se vendre pendant l’entretien d’embauche et donc de convaincre les recruteurs de leurs qualités et de leurs compétences pour le poste envisagé. Le CV anonyme permettrait donc aux candidats de tenter leurs chances et de faire parler leurs compétences.
Cependant, les défenseurs de cet outil reconnaissent que le CV anonyme n’est certainement pas la panacée, puisqu’il ne va pas supprimer toute discrimination à l’embauche.
C’est d’ailleurs ce que lui reproche ses détracteurs. Selon eux, le fait de cacher les informations relatives à l’état civil a pour conséquence de cristalliser le débat sur les personnes d’origine étrangère, alors que le problème est plus général. C’est sur l’ensemble du processus de recrutement qu’il faut agir, et non pas simplement sur la phase de sélection des CV qui représente la partie visible de l’iceberg.
Même si la lutte contre la discrimination à l’embauche est une juste cause, sa pratique est inhérente à tous les recrutements. En effet, il existe toujours un détail qui trahit l’objectivité. Par exemple, quand vous entrez en contact téléphonique avec un candidat, sa voix n’est jamais neutre : vous pouvez savoir s’il s’agit d’un homme ou d’une femme, estimez son âge, son origine grâce à son accent…
Par ailleurs, tous les préjugés ne disparaissent pas lors de l’entretien, grâce à l’utilisation du CV anonyme. Enfin, une importante part des recrutements se font hors CV, par une approche directe via les réseaux, la cooptation ou la chasse… Dans ce contexte le CV anonyme ne changera rien.